1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis pasteur depuis plus de quarante ans. Mon ministère était surtout dans l’implantation d’Église. D’abord à Nancy, et puis en région parisienne. J’en suis maintenant à ma quatrième implantation. J’ai été secrétaire général des Groupes bibliques universitaires (GBU). Je travaille avec l’European Leadership Forum, dans le cadre duquel j’ai écrit ce livre.
2. Pourquoi avoir écrit un livre sur la revitalisation d’Église ?
Il se trouve que j’avais plutôt un ministère d’implantation, mais entre 2008 et 2020 j’ai été pasteur dans une Église du 17e arrondissement à Paris, où, pour la première fois, je me suis retrouvé pasteur d’une Église que je n’avais pas implantée. Elle passait par pas mal de difficultés. Et c’est avec enthousiasme que j’ai accepté d’y aller pour découvrir autre chose. Dans un sens, il fallait que je « réimplante » cette Église car c’était le seul vocabulaire que je connaissais, mais au fur et à mesure, j’ai découvert que dans d’autres pays, notamment les États-Unis, on parlait de « revitalisation » d’Église. C’était un vocabulaire que personne n’employait en France à l’époque. J’ai fait de nombreuses recherches et je me suis rendu compte que c’était une réflexion très importante pour les Églises. J’ai commencé à davantage employer le vocabulaire de « revitalisation » et c’est ce que j’ai fait avec cette Église. J’ai appris beaucoup de choses en faisant ; on dit bien que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».
C’est dans cette Église que j’ai pris conscience des enjeux et j’ai compris qu’il fallait contextualiser la façon de faire des livres américains en en gardant les pistes intéressantes. À ce moment-là, j’étais engagé dans l’European Leadership Forum et on m’a demandé de créer un réseau « Revitalisation », ce que j’ai fait il y a cinq ans. J’ai travaillé et réfléchi avec un Britannique et un Roumain, ce qui fait que j’ai pu mener des séminaires sur la revitalisation dans pas mal de pays européens. C’est en comparant les situations dans ces nombreux pays que je suis arrivé à plusieurs conclusions et vu ce qui peut fonctionner en France. J’ai fait des séminaires sur ce thème à l’Institut biblique de Nogent et j’enseigne sur ce sujet à l’Institut biblique de Genève. J’ai également donné des séminaires lors de week-ends d’Église en francophonie.
3. Quel portrait pourrait-on faire de l’Église de France aujourd’hui ?
Quand je lisais les livres américains, beaucoup s’appuyaient sur une étude qu’avaient faite les baptistes du Sud (plus grande dénomination ecclésiale aux États-Unis) où ils disaient que plus de 85 % de leurs Églises plafonnaient ou étaient sur le déclin. À ce moment-là j’étais président de la commission « évangélisation » du CNEF et j’avais la possibilité de faire quelques recherches. J’ai demandé aux présidents et secrétaires généraux des unions d’Églises rattachées au CNEF de me dire subjectivement où est-ce qu’ils placeraient leurs Églises : Église en bonne santé, Église qui plafonne ou décline, Église en danger de disparition. Il en est ressorti que 51 % étaient en bonne santé et que 49 % avaient besoin de revitalisation. C’était subjectif, mais ça m’a ouvert les yeux quant à la nécessité de traiter ce sujet pour la francophonie.
4. Les trois Églises fictives de votre livre, sont-elles représentatives des Églises françaises ? Pouvez-vous nous les présenter ?
Ce sont des histoires fictives, qui représentent trois défis. Le premier défi, c’est une Église qui n’est pas en danger de disparition mais qui est vieillissante. Le deuxième cas de figure est une Église, qui peine à se maintenir parce qu’elle est plus petite et en zone rurale. La troisième, je ne l’aurais pas mise dans la catégorie revitalisation au début de mon travail, mais aujourd’hui, je dis le contraire. C’est une Église qui apparemment marche relativement bien, qui attire du monde, mais qui est dans une routine dans laquelle on ne tente rien de nouveau. L’exemple que je donne pour elle, c’est une expérience que j’ai vécue en région parisienne. L’Église voulait toucher les jeunes professionnels, et on a commencé un culte du soir, car la plupart des non-chrétiens dans cette catégorie-là ne vont pas venir au culte le dimanche matin. C’était pour dire que même une Église qui semble bien aller, si on n’y réfléchit pas, risque de se scléroser par la suite.
5. Quels sont les fondements bibliques de la revitalisation d’Église ?
Je pense d’abord à l’Ancien Testament et aux cycles des rois qui ne s’intéressent pas trop à tout ce qui est spirituel. Puis arrive un bon roi avec des réformes de « revitalisation » pour le pays. Il y a aussi plus largement le rôle des prophètes qui disent que ce n’est pas la chair mais le cœur qu’il faut circoncire et que même si le peuple suit à la lettre la loi, le cœur n’y est pas. Voilà la base pour l’Ancien Testament, mais je donne plus de détails dans le livre.
Ensuite il y a le Nouveau Testament dont l’exemple le plus courant est celui des lettres aux sept Églises dans les chapitres 2 et 3 de l’Apocalypse. Sur les sept, il y en a cinq qui ont besoin de changement pour différentes raisons : elles ont perdu leur premier amour, elles sont tièdes, ou bien elles ont une réputation d’être vivantes, mais sont mortes.
Voilà, deux bonnes bases bibliques. J’ai souvent entendu cette phrase dont j’ai horreur : « il est plus facile de donner naissance que de ressusciter un mort », pour dire qu’il vaut mieux implanter que revitaliser.
6. Est-ce que revitaliser une Église s’oppose à l’implantation ?
Non, l’un ne s’oppose pas à l’autre et j’en suis la preuve. Actuellement je travaille sur la revitalisation tout en implantant une Église. On a besoin de nouvelles Églises, mais il faut dire que parfois, au bout de dix ans, une implantation a déjà besoin d’une nouvelle vie. Il faut les deux, c’est comme les deux ailes d’un avion.
On a vraiment besoin d’implanter en France. Mais en même temps, ce serait se voiler la face que se dire que, parce qu’on a implanté le travail est fait. Il faut que les Églises continuent à évoluer car la société change. Si une Église ne s’adapte pas, même si elle semble aller bien, on va droit dans le mur.